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DITES-NOUS POURQUOI… L'EMB LAISSE PLANER LA MENACE D'UNE GRÈVE EUROPÉENNE

Romuald Schaber, 52 ans, président du BDM (Union allemande des producteurs laitiers) et de l'EMB (European Milk Board), producteur de lait en Bavière. À l'initiative, en 1998, de la création du BDM en marge du DBV, le syndicat majoritaire. Le BDM, qui déclare 30 000 adhérents, est le pilier de l'EMB, créé en 2006, qui regroupe des organisations de producteurs dans quatorze pays européens (dont l'OPL en France). C'est l'EMB qui avait lancé une grève du lait fin mai 2008. Particulièrement suivie e

L'EMB, représenté en France par l'OPL, a pour ambition de faire plier Bruxelles. Objectif affiché : prolonger le système des quotas laitiers en lui donnant de la souplesse pour s'adapter aux aléas du marché.

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Quel bilan tirez-vous de la journée de manifestation européenne du 29 avril ?

Romuald Schaber : Le 29 avril a montré que les producteurs laitiers européens qui défendent les mêmes revendications sont capables d'agir de manière solidaire. Dans toute l'Europe, des éleveurs ont manifesté sous le même slogan : « Une régulation souple des quotas pour des prix équitables ». Le fait que même des producteurs de pays non-membres de l'EMB aient participé à cette action était aussi très encourageant. En République Tchèque, 5 000 ont défilé dans les rues. En Europe, ce sont en tout 25 000 producteurs qui ont participé à l'action du 29 avril.

Les 4 000 courriers de l'OPL adressés en préfecture sont-ils suffisants pour penser que les Français suivront massivement si une grève est lancée ?

R.S. : L'expérience de l'an dernier en Allemagne montre que dans le cas d'une grève, une majorité se solidarise au mouvement, même s'ils n'ont pas auparavant participé au vote. Au vu du développement que connaît actuellement le prix du lait, je pense que les Français en feront de même. Pour preuve, les actions qui se déroulent depuis le 14 avril chez vous.

Il se dit que les Allemands n'ont pas, cette année, les moyens d'une grève ? R.S. : Nous avons deux possibilités pour vite ramener le prix du lait à un niveau tolérable : obtenir les modifications requises par la voie politique ou déclencher une grève. Si nous n'arrivons pas à faire remonter le prix, les exploitations seront de toute façon ruinées d'ici peu. À 0,20 €/kg de lait, il suffit pour un éleveur qui ne livrerait pas de lait deux semaines, que le prix augmente de 0,05 € sur deux mois pour compenser la perte subie. Ce qui est sûr toutefois, c'est que nous ne recourrons à ce moyen d'action ultime que si nos collègues français suivent ou nous devancent.

Comment espérer infléchir la politique de Bruxelles, alors que dans votre propre pays, la chambre des Länder a, en novembre 2008, balayé vos propositions de maîtrise de la production ?

R.S. : Comme ailleurs, il y a un débat sur les quotas laitiers. Le Bundesrat est jusqu'ici fortement sous l'influence du DBV, (NDLR : équivalent allemand de la FNSEA) qui veut les supprimer. Les producteurs, eux, sont à 90 % en faveur d'un quota attaché à chaque exploitation. Il en est de même pour les producteurs d'une grande majorité d'États. On voit le désastre auquel aboutit la libéralisation du marché. L'atterrissage en douceur a échoué. La crise économique vient en plus aggraver la situation. C'est pourquoi la seule solution raisonnable pour le marché laitier, et donc pour les producteurs et les consommateurs, est de retourner à une régulation de l'offre qui puisse bien fonctionner. Je n'imagine pas que dans la crise actuelle, un Etat de l'UE provoque, en plus, la ruine de son agriculture.

L'EMB va-t-il vraiment se lancer dans une grève ?

R.S. : Si tous les entretiens en cours n'apportent aucune solution, les éleveurs européens y auront certainement recours. La grève est l'ultime moyen d'action que nous ayons pour défendre nos intérêts. Nous ne disparaîtrons pas sans nous battre. L'objectif d'une grève est, en premier, lieu d'obtenir des conditions cadres qui permettent à moyen et long terme d'assurer des prix du lait rémunérateurs.

Il se dit que le BDM a perdu, fin 2008, beaucoup d'adhérents non convaincus de la stratégie de défense des quotas ?

R.S. : Faux. 95 % de nos adhérents demandent une régulation souple des quotas, gérée par les producteurs eux-mêmes. Juste après la grève, la BDM a connu une nouvelle affluence d'adhérents. Après le rejet de nos revendications par la chambre des Länder, quelques déçus ont quitté notre fédération.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MICHEL VOCORET

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